Arctic Circle Trail, partie 4

Nous sommes encore à une cinquantaine de kilomètres de Sisimiut et pourtant nous sentons que la fin approche. Il ne nous reste que 4 jours maximum pour rejoindre le village ; passer ce délai nous raterons le ferry pour le Nord…

Jour 9 : le mauvais temps fait son apparition

Jusqu’ici nous avons eu beaucoup de chance avec la météo mais les gros nuages gris que nous voyons par la fenêtre de la hutte ce matin n’augurent rien de bon. Après un bon p’tit déj dans le « salon », nous partons vers 9h, habillés plus chaudement que d’habitude. On part avec entrain mais sommes stoppés dans notre élan 50 mètres plus loin par… une rivière !? Le courant paraît fort mais l’allemand a réussi à traverser. Pas le choix il faut déchausser et protéger les sacs. L’eau est glacée. Je ne fais pas la fière à cause du courant. Le passage est néanmoins étroit, c’est vite fait.

Le chemin longe ensuite le lac pendant 3 km. Nous croisons 3 marcheurs dans l’autre sens, ça faisait longtemps. Aujourd’hui le plafond est très bas, le vent s’est levé et il pleut de fines gouttes.

Les kilomètres défilent vite, il n’y a pas beaucoup de dénivelé. Nous croisons une famille d’allemands avec qui nous discutons 5 minutes. Sympa de constater qu’avec de grands enfants on peut encore entreprendre ce genre de projet !

On avale les kilomètres sans trop lever la tête, la brume nous empêchant d’admirer les paysages. On en profite donc pour observer la flore.

13h45 : pause déjeuner ! Au menu : spaghettis sauce bolognaise végétariennes 😋 Un sachet pour deux est largement suffisant le midi. Du haut de notre crête, nous nous apercevons que le chemin est en fait beaucoup plus en contrebas. On arrive, non sans mal, à le récupérer.

En passant dans d’épais fourrés Nico aperçoit une tong. Il a le réflexe de l’attacher à son sac et heureusement : l’allemand, qui l’avait perdu, sera content de la récupérer ce soir (on n’a globalement tous que 2 paires de chaussures, alors en perdre une sur les deux c’est ballot…).

Les derniers kilomètres sont longs. A chaque virage nous pensons apercevoir la prochaine hutte et à chaque fois nous tombons sur une nouvelle portion de vallée avec un virage au bout…

Nous parvenons à Nerumaq en fin d’après-midi, pile avant un gros déluge de pluie. La hutte est toute petite mais l’idée de dormir dehors ne nous séduit pas du tout. Nous partagerons les quelques mètres carrés avec les deux espagnols et l’allemand (qui aura d’ailleurs la bonne idée de faire frire son poisson à l’huile à l’intérieur, on sentira tous la friture 😕).

Nous constatons depuis 3 jours beaucoup plus de déchets aux abords des huttes. Les gens ne prennent pas la peine de reprendre leur papier toilette, certains jettent même des bouteilles en plastique… 😠


Les chiffres de la journée :

17,65 kilomètres

329 mètres de dénivelé négatif

203 mètres de dénivelé positif

6h54 de marche

8 marcheurs croisés


Jour 10 : de l’eau, de l’eau et encore de l’eau

La nuit a été un peu étrange. Ma couchette étant en hauteur et assez étroite, j’avais peur de tomber et dormir avec 3 « étrangers » dans un espace aussi petit il faut dire que c’est assez particulier… 😄

Comme la veille, le brouillard recouvre les sommets.

L’image de la petite hutte rouge encaissée dans cette vallée embrumée paraît irréelle mais c’est beau !

Le premier passage à gué est compliqué, la suite de la journée le sera tout autant. Cette étape du trek est en effet réputée très humide, même par beau temps… Rapidement nous pataugeons dans la boue, les guêtres limitent un peu les dégâts.

 

Puis la pluie s’intensifie et ça devient vraiment galère. On a le style avec le poncho sur le sac à dos ! 2ème passage à gué, il faut déchausser. Les moustiques en profitent pour tenter d’atteindre les quelques centimètres de peau à l’air libre. On peste.

Quelques centaines de mètres après, rivière de nouveau. Celle-ci est large. On tente de garder les chaussures et de zigzaguer sur les petites pierres.

Nico prend mon sac. Au milieu de la traversée infernale je me mets à pleurer, je n’en peux plus de toute cette flotte… C’est un peu « la goutte d’eau qui fait déborder la rivière » si je puis dire !

On ne va pas camper ici, je m’élance donc et atteint la rive. Les marécages de l’après midi sont assez costauds, on s’enfonce parfois jusqu’au milieu du mollet.

On laisse tomber la pause de midi, on veut juste arriver !! Nous croisons un groupe de jeunes randonneurs tout sourire… ça détonne avec nos mines fatiguées ! En même temps ce n’est que leur 2ème jour !

Arrivés à un grand lac, nous savons qu’il ne nous reste qu’à le contourner, à grimper la pente et nous y serons presque !

Nico n’en peut plus avec son dos. La montée est raide. En haut nous avons une vue sur le plateau et tout au bout une petite hutte.

Des cascades descendent des falaises, on perçoit des neiges éternelles sur les sommets. Le Fjord de Sisimiut est maintenant en vue !

Les espagnols sont déjà arrivés à la hutte Kangerluarsuk Tulleq. Celle-ci est encore plus petite que la précédente. Ils acceptent de se serrer un peu pour que l’on puisse dormir à 4 sur la grande planche de bois. La proximité aidant, nous faisons connaissance et discutons de Barcelone d’où ils sont originaires.

Si tout va bien, demain soir nous dormirons dans un lit, au chaud, à Sisimiut 😊


Les chiffres de la journée :

18,15 kilomètres

112 mètres de dénivelé négatif

140 mètres de dénivelé positif

7h40 de marche

5 marcheurs croisés


Jour 11 : clap de fin

Ce matin, le mauvais temps n’entache pas notre motivation : nous arriverons coûte que coûte à destination ce soir. Avec la pluie, le chemin est encore plus boueux que la veille. La vue sur le Fjord est cependant superbe. On perçoit sur la rive opposée quelques cabanes de pêcheurs, les premiers signes de vie humaine depuis 9 jours !

Nous montons jusqu’à un col (400 m) pour atteindre la vallée de Qerrortusuq Majoriaa.

La brume enveloppe les sommets et la neige s’accroche encore par endroit. L’atmosphère est particulière, presque mystique.

Des piquets, un traîneau, des panneaux : nous longeons des pistes de ski de fond !

On profite d’un rayon de soleil pour déjeuner mais très vite la brume revient, il est temps de descendre. Le chemin est raide et caillouteux, il faut redoubler de prudence, hors de question de se faire une cheville si près du but !

Un vieux monsieur croise notre route. Il est seul, avance lentement et paraît un peu perdu… C’est bizarre…

Dernier passage à gué de l’ACT. Dernières grimaces et derniers cris lors de la traversée en sandales dans l’eau gelée. Ça ne nous manquera pas !

Les remontées mécaniques ponctuent maintenant le sentier, nous sommes proches du but !

Tout à coup, Nico me crie au loin de le rejoindre. Beaucoup d’émotion au moment d’admirer devant nous la ville de Sisimiut et l’océan. Des petites maisons colorées se dessinent au loin et à droite, l’aéroport. L’objectif est en vue !!!

Les douleurs au dos sont maintenant devenues insupportables, Nico craque. Je lui reprends des kilos et avançons doucement. Nous laissons les montagnes derrière nous et descendons dans la vallée. A ce stade il est possible d’entreprendre la randonnée du Mont Kaellingehætten mais ce sera sans nous !

Nous posons bientôt les pieds sur un chemin de terre, ça sent bon ! Finis les marécages et les rivières !

L’arrivée à Sisimiut se fait en longeant le chenil, l’endroit où les chiens de traîneau sont parqués pour l’été en attendant les premières chutes de neige en septembre – octobre. Ils hurlent à notre passage, c’est assez impressionnant. On s’habituera vite à ce « bruit de fond » qui anime tous les villages groenlandais.

Arrivés aux premières habitations, le moment est solennel : je retiens un moment mon pied avant de le poser sur l’asphalte. C’est officiel : nous avons réussi ! Nous avons rejoint la côte ouest du Groenland depuis la calotte polaire !!!

Mais l’heure n’est pas encore à la fiesta, nous devons vite rejoindre l’auberge de jeunesse car la pluie se fait de plus en plus forte. Les derniers 750 mètres sont les plus durs. Arrivés à l’auberge c’est la désillusion : aucune place de libre, pas même un canapé ou une pièce commune où poser son matelas.

On a froid, on est trempés, exténués et sales. C’est un gros coup au moral. Le propriétaire nous propose de camper devant l’auberge. Les terrains n’appartenant à personne au Groenland, nous sommes libres de camper en pleine ville si ça nous chante. 5 tentes sont déjà installés. Le prix des autres hôtels est démesuré. Pas le choix ce sera camping !

Après moultes négociations, le proprio nous autorise à prendre une douche chaude (moyennant finance) puis à manger notre dîner dans la cuisine. La douche est un moment de bonheur immense. Le dîner en compagnie des autres marcheurs nous permettra de comparer les ressentis de chacun. Iris, une canadienne à la retraite, en est à son 5ème ACT. Elle est catégorique : elle a vu beaucoup de changements sur les chemins en une dizaine d’année avec l’afflux des touristes et ne pense pas refaire le trek. L’ACT semble victime de son succès…

Pour nous le bilan est moins sévère. Ce trek a été un formidable défi à relever et une merveilleuse aventure vécue à 2. C’est la première fois que nous marchons 9 jours en autonomie totale avec un tel portage. Ce n’est peut-être pas la randonnée qui nous a le plus impressionnés en terme de paysages, ni la plus dure (cf Choquequirao) mais c’est la seule qui nous a procuré un aussi grand sentiment de liberté et d’osmose avec la Nature. La Toundra Polaire est un monde unique et fascinant. Certes il y a plus de trekkeurs qu’avant, mais ne pensez pas que c’est le GR20 pour autant, on se sent seul, loin de toute civilisation.

Si vous êtes tentés de réaliser ce trek, les 2 conseils qu’on peut vous donner sont : de foncer maintenant avant qu’il y ait encore plus de marcheurs et de bien vous organiser avant de partir. Avoir un bon équipement (bâtons, chaussures, gore tex , portage, balise,…) reste primordial.

Partons maintenant à la découverte de la côte ouest du Groenland. Cap sur les icebergs !


Les chiffres de la journée :

22,75 kilomètres

623 mètres de dénivelé négatif

553 mètres de dénivelé positif

9h45 de marche

1 marcheurs croisés


Les photos des jours 9 à 11 de l’ACT, c’est par ici !



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